Lutter contre la précarité alimentaire des étudiants avec le cas de Ynov Campus

I - La genèse du projet

1. Le partenariat Ynov-BelleBouffe

a. Lyon Ynov Campus

Sans+titre.jpg

Lyon Ynov Campus est une école supérieure privée implantée dans le 7ème arrondissement de Lyon ; formant aux métiers du numérique et proposant plusieurs bachelors portant sur des domaines variés tels que l’animation 3D, l’informatique, le design, le marketing & communication, l’audiovisuel ou encore la robotique et l’ingénierie systèmes.  Tous ont en commun le digital, les nouvelles technologies et la professionnalisation.

En son sein, cette école propose un programme de projet original et ambitieux appelé les Ydays. Ce programme est un module qui a pour volonté la transversalité de l’expérience des étudiants Ynov. Ces derniers sont donc mélangés par formation et par années d’études afin de réaliser un ensemble de projet durant l’année scolaire, aboutissant à une notation du projet final et à sa mise en œuvre. Intégré au cursus de l’étudiant, ce module pédagogique propose diverses thématiques permettant aux étudiants de se positionner sur le projet de leur choix. Il est encadré par Antoine Gouy, Project Manager au sein d’Ynov Lyon.

b. Le partenariat

Les deux projets Ydays proposés à BelleBouffe par l’école Ynov, proposent des thématiques charnières ayant, pour le premier projet, une visée d’accessibilité alimentaire, d’amélioration du cadre et du contenu des repas du public estudiantin d’Ynov. Pour le second projet, la visée est une démarche d’accompagnement au zéro déchet de l’établissement. Ces deux projets se sont déroulés du 16 octobre 2019 au 7 mai 2020, ayant une durée totale de sept mois. 

En s’appuyant sur les apports du Design et de la Psychologie Sociale, BelleBouffe a pour mission d’installer un cadre créatif et rigoureux pour garantir une action adaptée et impactante au sein de deux projets ; l’un axé sur la solidarité alimentaire, l’autre sur le zéro déchet. Ainsi, ils se rendent disponibles lors des créneaux de travail des Ydays pour permettre un suivi du travail des groupes formés ainsi que, dans la mesure du possible, lors des deux soutenances de projets imposées par l’établissement. 

2. Le projet 

a. Le contexte

Ces deux thématiques, qui sont le zéro déchet et la solidarité alimentaire, ont été choisies suite à l’identification d’une précarité alimentaire sur le campus et une volonté d’évolution vers une démarche plus éco-responsable de l’école. Ainsi, l’idée d’un projet de recherche collaboratif et participatif a émergé, avec pour appui et soutien l’association BelleBouffe. Tout d’abord collaboratif puisqu’il vise à faire travailler ensemble différents acteurs pour parvenir à un objectif commun dans un contexte spécifique, l’accompagnement par et pour les étudiants de l’école vers une transition éco-responsable et solidaire. Participatif ensuite, car il positionne les parties prenantes en tant qu’actrices de la démarche et particulièrement les étudiants. Impliqués dès la phase d’élaboration du projet, les étudiants ne sont plus bénéficiaires mais bien les protagonistes de celui-ci. Enfin, recherche puisqu’il s’agit de s’appuyer sur des apports scientifiques autant théoriques que méthodologiques issus de la recherche en design, en psychologie sociale et plus largement en sciences humaines et sociales. 

b. Les objectifs 

Les objectifs de cette collaboration sont multiples. D’abord, le projet vise à accompagner les étudiants d’un campus lyonnais (Ynov Lyon) dans l’élaboration et l’évaluation de solutions en faveur du zéro déchet et de la lutte contre les précarités alimentaires chez les étudiants. Dans ce cadre-ci, deux équipes d’étudiants travaillent en collaboration avec l’équipe de BelleBouffe pour identifier les problématiques concernant ces thématiques sur le campus Ynov. Ces problématiques tournent autour de l’accessibilité à l’alimentation, le contenu de celle-ci, et le cadre d’alimentation des étudiants du campus. La seconde équipe a pour réflexions centrales les types de déchets produit par la structure et les mises en œuvre possibles pour les traiter et/ou les réduire. Ce travail collaboratif entre BelleBouffe et les étudiants permet aussi d’identifier et de mettre en place une à plusieurs solutions imaginées sous forme d’expérimentation concrète afin d’avoir un impact sur les étudiants du campus, les accompagner au changement ; mais également de mesurer l’impact des solutions mises en place.

Cette démarche se veut ouverte sur le quartier et le territoire métropolitain. Elle a ainsi vocation à impliquer différents acteurs (commerçants, habitants du quartier, initiatives locales, Maisons des Etudiants de la Métropole de Lyon, etc.) et proposer des solutions pouvant potentiellement s’étendre aux étudiants de campus alentours, mais aussi aux commerces et plus généralement au territoire lyonnais. Donc au-delà de l’impact direct sur les étudiants ciblés par la démarche, les résultats produits permettront d’enrichir la connaissance territoriale en matière de lutte contre les précarités alimentaires étudiantes et dans la considération et la prise en charge des déchets produits. 

c. Le fonctionnement organisationnel

Au cœur du fonctionnement de l’école Ynov Lyon Campus, s’est donc implanté le modèle organisationnel du projet, que nous allons à présent comprendre de manière détaillé. Deux groupes estudiantins se sont donc distingués, l’un sur la précarité alimentaire, l’autre sur le zéro déchet avec des objectifs et des attentes différentes mais une prise en charge et un accompagnement similaires. Antoine Gouy, statue en tant que Project Manager au sein de cet incubateur. Son rôle est de coordonner et d’organiser les différents groupes de travail et de les accompagner dans leur démarche. S’en suit, deux facilitatrices Esra Karakus et Mariam Lebelle, ayant pour objectifs de faire le lien entre l’administration et les étudiants porteurs de projet afin de rendre plus fluide la communication et les échanges, accompagnant ainsi les groupes dans leurs divers besoins et demandes. Par la suite,  deux porteurs de projet par groupe de travail sont nommés afin d’organiser plus particulièrement la gestion du travail au sein du groupe.

La particularité de ce projet est la diversité de la population estudiantine y participant, le but étant de mélanger les cursus et les niveaux d’années d’étude afin de favoriser une démarche riche, co-construite et participative. Les emplois du temps de chacun s’alignent sur des temps clés de préparation de projet : les Ydays. Cependant, ces espaces temporels ne leur permettent pas de réunir l’ensemble des membres du groupe. Ainsi, un groupe de projet se divise en deux en alternant les semaines de présentielles lors des Ydays. Cette organisation a pour conséquence de demander aux groupes un niveau important de compétences communicationnelles inter-individuelle, intra-groupe et inter-groupes, et plus largement un niveau important de compétences psychosociales (résolution de problème, prise de décision, pensée critique, empathie, gestion des émotions). C’est dans cette logique qu’ont été mis en place des chefs de projet ; afin de mener et cadrer le travail effectué mais aussi créer du lien entre les deux sous-groupes avec pour objectif une optimisation des ressources et des compétences.

II - La collaboration avec BelleBouffe concrètement

Au cœur de ce projet, Bellebouffe se place comme pilier d’accompagnement et de cadrage auprès des étudiants dans leur démarche à la fois pédagogique, sociale, écologique et centré-usager. L’objectif principal de ce projet est d’abord de proposer une intervention se rapprochant au plus près des besoins des étudiants. Ainsi, les attentes, les besoins et les caractéristiques propres des usagers finaux sont pris en compte à chaque étape du processus de développement des interventions afin de garantir des actions efficaces et pérennes. Globalement, le soutien de Bellebouffe au cœur de ce projet se déploie à travers différents domaines. Cependant, tout au long de celui-ci, ce soutien est mis en exergue par le solide apport méthodologique qu’ils peuvent apporter aux groupes d’étudiants. Puisque l’intervention sociale fait partie intégrante de leur possibilité d’action, Bellebouffe a pu proposer une méthodologie scientifique et rigoureuse dans le but de structurer le travail demandé. 

Phase 1 : Préparer 

Avant de garantir cet axe de démarche, nous avons donc, l’équipe BelleBouffe et l’équipe éducative d’Ynov Lyon, dû nous mettre d’accord en amont et préparer le projet . L’un des buts principaux était d’engager un processus participatif, c’est-à-dire que les usagers, ici les étudiants, deviennent acteurs d’une action faite pour et par des étudiants. En septembre 2019, nous avons rencontré une des étudiantes en charge de l'incubateur pour lui présenter l’association, notre rôle et le cadrage méthodologique de la démarche que nous allions déployer. Une deuxième rencontre a permis de rencontrer les porteurs d'initiatives recrutés pour les deux projets zéro déchet et solidarité alimentaire. Lors de ce temps, nous leur avons également présenté l'association, notre rôle et le cadrage méthodologique de la démarche que nous allions déployer ensemble pour garantir une vision partagée. Ainsi, nous avons identifié et fédéré les parties prenantes internes au campus autour du projet tels que les membres clés de l’équipe éducative, les groupes étudiants désireux de participer à la gestion et à l’animation du projet afin de définir et de valider collectivement les objectifs généraux et particuliers de la démarche, mais également élaborer conjointement des questions et hypothèses de recherche à tester et pour terminer, fixer le calendrier prévisionnel. 

fleche.png

Phase 2 : Explorer & Diagnostiquer

a. Le cadrage théorico-pratique

Capture d’écran 2019-10-25 à 14.39.35.png

La première intervention BelleBouffe auprès des étudiants d’Ynov a introduit la seconde phase « Explorer et diagnostiquer » le 30 octobre 2019 lors de la deuxième journée de Ydays. Les équipes s’étaient constituées deux semaines auparavant lors de la première journée Ydays. BelleBouffe a donc proposé cette intervention avec pour objectifs de connaître les étudiants, leurs attentes par rapport au projet, ainsi que leurs envies et potentielles premières idées en lien avec leur thématique. Par la suite, un cadrage sur les principes d’une recherche-action participative et d’une démarche centrée usagers a pu leur être mise en avant par l’équipe afin de comprendre notamment le fait de faire correspondre une intervention aux besoins du terrain et à ceux de ses acteurs mais aussi de co-construire cette intervention avec les parties prenantes. 

mindmap.png

Pour faciliter l’approche de ces concepts scientifiques, nous avons par exemple présenté aux étudiants l’extrait de la BD « Rick & Dick » qui expose et explore ces différentes notions.  Le but était d’amorcer un travail collectif, pour fédérer les équipes, créer une dynamique de recherche et de créativité mais aussi cadrer les projets afin qu’ils puissent débuter la phase d’exploration. L’équipe Bellebouffe a donc proposé un atelier de cartes heuristiques, en anglais Mind Mapping,  « il s’agit de présenter, de visualiser, le cheminement de la pensée, son organisation, en même temps que sa mise en œuvre, pour une meilleure compréhension et appropriation de celle-ci » (Régnard, 2010). Les deux groupes disposaient d’une grande feuille et de post-it. Ils leur étaient alors demandé de répondre, le plus intégralement possible à la phrase suivante “Pour moi, le zéro déchet/ la précarité alimentaire c’est quand … ”. Ils répondaient dans un premier temps de manière individuelle puis ils mirent en commun leurs réponses afin de créer une réponse visuelle, riche et diversifiée, qui deviendrait un appui dans la construction du projet. En effet, cela a pu mettre en valeurs une majeur partie des axes concernant leur thématique ce qui les a par la suite guidés dans le choix et la précision de leurs recherches mais également lors de la construction du plan des enquêtes exploratoires. Cet atelier a introduit une période de réflexion collective entre les étudiants et Bellebouffe sur la mise en œuvre des projets, les points forts, les points faibles, le public visé, les parties prenantes, la répartition des tâches, l’emploi du temps, etc. 

b. La phase exploratoire

De cette phase s’en suit une riche période exploratoire où les étudiants encadrés par BelleBouffe ont pu prendre du recul sur leur démarche au sein d’Ynov afin de comprendre de manière holistique leur future action et découvrir ce qui avait déjà été fait concernant leurs thématiques ainsi que ce qui se faisait présentement, localement d’abord, puis plus amplement sur le territoire français et international. Leur travail d’analyse de l’existant s’est enrichit des enquêtes in situ. L’association Bellebouffe, par sa présence physique ou via des réseaux de communications numériques a pu assister ce travail en les guidant vers des parties prenantes locales, des articles, des associations, etc., mais également en apportant des conseils et un appui pédagogique et méthodologique continu.

De novembre à janvier, les étudiants se sont mobilisés autour d’une étude au cœur du terrain d’intervention, c’est-à-dire le campus Ynov Lyon, pour comprendre les enjeux, les besoins, les freins et les leviers des étudiants concernant leur thématique de travail : le zéro déchet et la solidarité alimentaire. En travaillant conjointement leurs enquêtes de terrain avec les étudiants, BelleBouffe a pu les aider à construire leur outils de recueil de données mais également analyser celles-ci. Novices dans ce type de méthodologie et d’analyse, ils ont pu extraire les informations centrales de leurs enquêtes pour ensuite les utiliser de façon à construire leurs actions répondant utilement et efficacement aux besoins du terrain et de ces acteurs. Dans ce cadre-ci, le groupe étudiant la précarité alimentaire a pu développer un questionnaire interrogeant à la fois les pratiques alimentaires globales et celles au sein du campus. Il en a émergé un soucis d’une alimentation saine et responsable ainsi qu’une difficulté cependant à parvenir concrètement à ce type d’alimentation au quotidien. Il en est ressorti également un manque de temps et de motivation des étudiants à cuisiner et une problématique majeure autour du temps de midi au sein de l’établissement, manquant de temps et de structure sur place pour manger. Dans le groupe zéro déchet, cela s’est déroulé de manière similaire, les étudiants ont donc proposé un questionnaire aux étudiants afin de mieux comprendre leurs besoins, contraintes, freins et leviers face à une action zéro déchet. Quelques points de résultats sont apparus tels que la méconnaissance du cycle de tri des étudiants ou le manque de matériel favorisant cette transition au sein d’Ynov.

Phase 3 : Construire 

A la suite de ce cheminement, la mise en place d’une intervention apparaît être l’étape suivante. Pour ce faire, un choix dans les différentes idées émergentes a dû être fait après la passation des questionnaires et les recherches exploratoires. Une élaboration des solutions les plus favorables, c’est-à-dire se rapprochant au plus près des besoins de la population cible et incluant aussi l’aspect de faisabilité, a pu être pensée, réfléchie et modelée grâce à un processus de co-construction entre les idées des étudiants et le cadrage scientifique et méthodologique de l’équipe Bellebouffe. La présence de l’équipe durant les Ydays ainsi que le suivi en dehors de ces jours a participé au soutien constant des groupes pour mener à bien ces projets et construire une intervention dans le temps qui nous étaient impartis. Ce soutien a pu également être mis en lumière à travers un suivi et un retour quant à la communication proposées des deux groupes de travail concernant leurs projets, que ce soit auprès des entreprises et associations locales ou auprès de la population cible, les étudiants d’Ynov. Ainsi, cela a pu favoriser l’implication et la mise en visibilité des démarches réalisées par les groupes, tout en assurant, avec un regard extérieur et professionnel, la fiabilité et la cohérence des informations communiquées.

a. Idéation des interventions

En s’appuyant sur le travail exploratoire, le groupe de lutte contre la précarité alimentaire, a pensé deux actions de terrains parallèlement à un ensemble d’opération de communication. Pour ce qui est des actions de terrain. Le groupe a interagit avec une entreprise se nommant « le moulin à salade » qui propose des services mobiles d’alimentation afin qu’elle s’installe une fois par semaine devant le l’établissement pour garantir aux étudiants une alimentation saine et de qualité. Conjointement, ce groupe a pu penser la mise en place de paniers alimentaires et solidaires hebdomadaires pour répondre à l’un des besoins ayant émergé lors de l’enquête. Entourant ces deux interventions, de multiples opérations de communication ont pu être créés afin d’accentuer la visibilité de leurs interventions. 

Pour ce qui est du groupe travaillant sur le zéro déchet, une intervention plus centrale a été pensée autour du tri des déchets puisque que d’importantes quantités de déchets sont produites par le campus sans pour autant être traités par système de tri. Ainsi, les étudiants ont repensé la gestion des poubelles en axant leur intervention vers la mise en place de poubelle de tri au sein du campus. Ils ont également pensé accompagner cette intervention de sensibilisations à la fois en présentiel, en expliquant le processus complet de gestion des déchets, mais aussi sous forme d’affiches afin d’accompagner la démarche de tri. De plus, ils ont réfléchi la mise en place de nudges c’est-à-dire une « architecture du choix qui modifie le comportement des gens d'une manière prévisible sans leur interdire aucune option ou modifier de manière significative leurs motivations » (Thaler & Sunstein, 2008). Ici, le choix s’est porté sur des marqueurs visuels autour des poubelles dans l’enceinte de l’établissement, facilitant ainsi le changement de comportement des étudiants afin que le réflexe de tri devienne habituel. 

b. Evaluation d’impact : fixer les objectifs

impact.png

En parallèle, une action a pu être menée afin de produire les évaluations d’impacts des futures interventions mises en place. Le terme d’évaluation d’impact peut être compris sous différents angles ; comme un effet, un résultat, un changement ou encore une conséquence d’une action. Elle peut concerner des individus ou la société dans son ensemble. Il peut renvoyer aux effets à long terme ou inclure l’ensemble des effets à court, moyen et long terme ou être plus restrictive ; c'est-à-dire l’ensemble des résultats qui n’auraient pas eu lieu sans une intervention donnée. Donc de manière brève, l’évaluation d’impact signifie « l’ensemble des changements positifs ou négatifs, attendus ou inattendus, et durables engendrés par des [actions] mises en place et attribuables à ces [actions] » (Rexel Fondation, 2015). Elle s’échelonne en cinq stades qui ont pour buts communs d’allier les objectifs de l’intervention avec l’analyse des parties prenantes afin de recueillir les résultats à l’aide d’un outil méthodologique de recueil de données afin de les analyser pour comprendre ce qui a fonctionné ou non au cour de l’intervention, quels sont les parties à améliorer, etc. Ensuite, il est possible d’utiliser ces données afin de communiquer sur l’intervention, la valoriser auprès des parties prenantes et du public ciblé. Lors de cette période de construction avec les groupes d’étudiants, Bellebouffe a pu intervenir de nouveau lors d’un Ydays autour de cette phase d’évaluation d’impact, inhérente au processus interventionnel.

Nous avons pu ainsi nous interroger ensemble sur ce qu’était une évaluation d’impact, à quoi celle-ci servait et en quoi cette partie de l’intervention était primordiale pour comprendre la portée que pouvait avoir leurs actions. Puis la partie théorique a laissé place à un atelier, centré sur la première étape qui n’est autre que fixer les objectifs des actions afin qu’en découlent des indicateurs c'est-à-dire des facteurs concrets permettant de mesurer de manière pratique les objectifs. Les groupes devaient alors remplir collectivement une grille d’objectifs par intervention, qui a été par la suite retravaillée par l’équipe de Bellebouffe, fournissant alors un apport théorique en psychologie sociale. Les étudiants pouvaient s’appuyer sur cette nouvelle grille pour la produire leurs indicateurs pertinents, spécifiques, mesurables, acceptables, réalistes et temporellement définis (European Venture Philanthropy Association, 2015). Ce travail de reformulation des objectifs a eu pour conséquence au sein des deux groupes, de fournir une justification des types de méthodologies et des outils de recueil de données choisis lors de l’évaluation d’impact, s’approchant ainsi le plus possible des besoins du terrain et du contexte. 

Phase 4 : Agir

a. Un contexte singulier

Dans le cadre de cette étape, de nombreux bouleversements ont modifié les interventions normalement planifiées. En effet, la survenue du confinement due au virus COVID 19 en France au milieu du mois de mars 2020 a entraîné pour l’ensemble des groupes, d’importantes modifications, entraînant par conséquent, une importante adaptation. Une adaptation d’abord scolaire, puisque personne ne pouvait accéder ni à l’établissement ni aux groupes de travail ni ne connaissait les nouvelles modalités d’évaluations si tels devaient être le cas. Cela a eu également des répercussions concernant l’organisation scolaire, professionnelle et personnelle afin de s’adapter au mieux à la situation de confinement. De plus, une incidence évidente peut être comprise quant à la mise en place effective des interventions qui ont dû, elles aussi, subir de nombreux changements. Ainsi, concernant l’assistance pédagogique aussi bien de l’équipe pédagogique d’Ynov que celle de Bellebouffe, un renforcement des communications via internet a été mis en place. Des visio-conférences et des appels téléphoniques ont pu être organisés afin d’accommoder au mieux la transition entre les nouvelles modalités de travail, les contraintes quotidiennes et les attentes scolaires. Un suivi continu a été proposé par mail ou à travers d’autres réseaux de communications afin de gérer la modification des interventions et les questions qui en découlaient. Cette organisation numérique a été également adoptée au sein même des groupes d’étudiants dans le but de poursuivre ces projets et de les adapter à la situation.

b. Adaptation des actions

Au cœur de ce contexte, il a été décidé par le groupe Stud’eat de renforcer la communication concernant leur thématique via les réseaux sociaux afin de diminuer l’effet d’isolement que pouvaient ressentir les étudiants et de garder un lien avec ces derniers. Par exemple, des publications informatives concernant les produits de saisons ont pu être proposés, mais également des conseils et solutions afin de se nourrir sainement et de manière peu onéreuse lors du confinement.  De plus, une intervention culinaire en live via internet a pu être construite. 

Concernant le groupe zéro déchet, l’intervention n’a pu être adaptée pour des raisons que nous comprenons assez aisément. En effet, la mise en place de poubelle de tri au sein du campus Ynov ne peut, en aucun cas, être accommodée à une situation de confinement. Cependant, le groupe a pu proposer un travail de préparation et de rédaction d’un livret de déploiement, comparable à un kit « clé en main », afin de faciliter la mise en place de cette intervention par un futur groupe de projet Ydays, l’année suivante par exemple. Ainsi, le travail, les recherches, la méthodologie utilisée, etc. ont été regroupées au sein de ce livret afin que leurs prédécesseurs, en plus de reproduire l’intervention, puissent comprendre le processus de réflexion ainsi que les concepts clés, sous-jacents à l’intervention comme démarche « participative » ou « centré usager » par exemple. Pour ce qui est de la sensibilisation, les étudiants se sont axés sur des actions sous forme de live. Ils ont donc proposés deux interventions à l’ensemble des étudiants d’Ynov, l’une portant sur le cycle de tri des déchets, et l’autre sur le recyclage. Elles seront interactives de façon à ce que l’échange entre les animateurs du live et les participants soit possible et constructif pour tous. 

Phase 5 : Evaluation d’impact

a. Méthodologie de l’évaluation d’impact

L’évaluation d’impact a pour objectif de démontrer que l’intervention génère une plus-value pour ses bénéficiaires et potentiellement pour la société au sens large. Elle a aussi pour finalité d’améliorer et de valoriser l’action mise en place, de s’assurer que celle-ci fonctionne et de rendre compte du travail effectué à ses partenaires, financeurs, etc. Les résultats de l’évaluation d’impact pourront par la suite être appliqués à la communication de l’intervention, pour la rendre plus efficace et concrète. Au sein de ces projets Ydays, l’évaluation d’impact a été menée principalement par l’équipe BelleBouffe afin que celles-ci soient construites dans les temps, les étudiants travaillant parallèlement sur leurs interventions. Nous nous sommes cependant efforcés de garder un fonctionnement basé sur la co-construction avec les membres des groupes en se focalisant sur une réflexion partagée et un échange de point de vue sur les différentes étapes de la mesure d’impact. 

Pareillement aux différentes interventions des groupes d’étudiants, l’évaluation d’impact a, elle aussi, subi d’importantes modifications pour s’adapter au contexte énoncé plus haut. Ce travail d’adaptation mais également d’organisation a été mené en coopération entre les groupes et l’association Bellebouffe. Dans certains cas, seul l’outil de recueil de donnée devait être modifié pour correspondre à une passation numérique. Dans d’autres cependant, c’est l’intégralité de la démarche qui a dû être repensée puisque l’intervention en elle-même était nouvelle. 

b. Le projet zéro déchet

Pour le groupe zéro déchet, l’évaluation d’impact portait donc sur la mise en place du tri des déchets au cœur du campus Ynov. Plusieurs axes peuvent être étudiés. D’abord, le changement de comportement c'est-à-dire le tri effectif des déchet pouvait être mesuré. Pour ce faire, nous nous sommes intéressés à l’habituation au changement et au maintien de celui-ci. Dans cette logique nous avons mesuré par le biais de l’observation, le pourcentage de poubelles utilisées comparativement entre la première et la dernière semaine d’intervention. Nous souhaitions mesurer dans un même temps, comment ce tri pourrait être et donc le pourcentage de tri bien effectué au sein des poubelles. En correspondance avec le second objectif de l’intervention qui était l’acceptabilité de celle-ci par les étudiants et par le personnel d’entretien du campus ; deux méthodologies distinctes ont été mises au point. Pour traiter de l’acceptabilité, nous nous sommes d’abord penchés sur les bénéfices et coûts que pouvait éprouver les étudiants à trier leurs déchets à Ynov. Pour cela, nous avons créé un questionnaire (annexe 1) afin de comprendre leur point de vue. Par la suite, un guide d’entretien (annexe 2) a été pensé pour mesurer l’acceptabilité de l’action par le personnel d’entretien. Le but étant de ne pas créer d’importantes charges de travail supplémentaires et de placer l’avis de ces acteurs au cœur de la démarche. Dans ce cadre-là, nous nous sommes focalisés au sein du guide, sur les coûts potentiels de l’intervention sur leur travail. 

c. Le projet Stud’Eat

Pour ce qui est du groupe Stud’eat, travaillant sur la précarité alimentaire, La mesure d’impact s’est portée sur deux interventions. La première était la mise en place de paniers alimentaires et solidaires. Cette action a pu être testée à une reprise et à petite échelle avant la période de confinement. La seconde action a été produite lors du confinement et se traduit par une animation cuisine en live.. L’intervention des paniers alimentaires avait pour objectif d’amener les étudiants vers un changement de comportement avec comme double finalité la participation à l’action proposée donc l’acceptabilité de celle-ci ainsi que l’utilisation des produits du panier une fois distribué. L’acceptabilité a pu être mesurée au niveau du pourcentage d’étudiants ayant participé à la collecte 50 étudiants sont venus à la récolte sur un ensemble de 300 étudiants à Ynov ce qui montre une grande acceptabilité de l’intervention lors de la première mise en place. Nous avons également souhaité poursuivre cette mesure d’impact en nous intéressant à l’utilisation qu’en avait fait les étudiants, une fois le panier collecté. Dans cette logique, nous avons proposé un questionnaire numérique à transmettre aux étudiants ayant collecté un panier. Le but majeur étant de comprendre le cycle de vie des produits collectés ainsi que leurs transformations. 

Conclusion

Nous pouvons à présent nous orienter vers les limites de ce projet. Tout d’abord, il nous parait essentiel d’évoquer la place que nous a donné la structure et les étudiants. En effet, ce rôle davantage pédagogique qu’interventionnel rattaché à l’association Bellebouffe à pu freiner la dynamique entre les étudiants et Bellebouffe qui de ce fait, ne nous ont que brièvement sollicités pour ce qui était du processus interventionnel. La difficulté ici est que cette association avait été affilié au projet pour son expertise d’intervention et des acteurs internes à la structure étaient en charge de l’aspect pédagogique du projet ce qui a eu pour conséquence une lacune au niveau du soutien quant à l’intervention en elle-même. Ce qui a pu se ressentir au sein des projets notamment dans le lien entre les différentes phases d’interventions et de la compréhension de leurs apports mutuels pour construire une intervention centré-usager et efficace. Ensuite, nous pouvons comprendre ici l’importance du cadre des Ydays, à la fois frein et levier dans la dynamique d’intervention. En effet, bien qu’apportant un cadre au projet, son importance était insuffisante pour garantir un rythme de travail soutenu et régulier aux étudiants et un temps significatif pour la mise en place d’un processus d’intervention complet et solide. Nous pouvons également nous intéresser aux différentes approches ayant dû co-exister au sein d’un même projet, à travers différents acteurs. La démarche centré-usager portée par l’association Bellebouffe a éprouvé des difficulté d’assimilation par les étudiants Ynov davantage focalisés sur une approche techno-centré. Ce mélange épistémologique a eu donc pour conséquence plusieurs remaniements, explications et propositions afin que l’intervention puisse prendre racine auprès des besoins du public cible, les étudiants.

De manière générale, BelleBouffe a pu accompagner et guider ces équipes de projet en proposant un soutien dans les différents champs de la réalisation d’intervention. Ainsi l’accompagnement a pu se faire au niveau méthodologique, théorique, dans la gestion d’équipe et l’organisation mais également dans l’action menée en elle-même. Ce partenariat entre le Campus Ynov Lyon et l’association Bellebouffe ayant pour but de co-construire avec les étudiants du campus des projets utiles aux étudiants et permettant une amélioration du campus ou de ces conditions de vie ont mis en évidence un enrichissement des compétences chez les étudiants porteurs de projet. En effet, outre le fait d’avoir pu produire un travail inédit et socialement ou écologiquement influant, les étudiants ayant participé à ces deux projets ont pu découvrir un nouveau champ d’action : l’intervention sociale. Cela a eu de nombreuses finalités telles que le développement de la gestion d’une action dans un temps imparti, l’adaptation aux conditions de travail instaurées par les parties prenantes, ou aux contraintes entraînées par un contexte extérieur. De plus, il ont pu, grâce à ce projet, évoluer au sein d’une équipe diversifiée par les parcours d’étude, l’âge, etc. et apprendre ; d’abord de cette organisation de travail singulière et collective, mais également apprendre des autres et avec les autres au sein de cette collaboration, riche en savoirs et en savoir-faire.



Bibliographie

  • (Im)prove, Fondation Rexel (2015). Guide de la mesure d’impact social. Paris.

  • Hehenberger, L., Harling, A.M., Scholten, P. (2015), Un guide pratique pour la mesure et la gestion de l’impact, European venture philanthropy association.

  • Régnard, D. (2010). Apports pédagogiques de l'utilisation de la carte heuristique en classe. Éla. Études de linguistique appliquée, 158(2), 215-222.

Thaler R.H, Sunstein C.R. (2008). Nudge: Improving decisions about health, wealth and happiness, New haven, Yale University Press